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TESTAMENT MEMOIRE

Mes interviews peuvent donner lieu à des vidéos sur DVD mais aussi à des livresNoemietenanteliane.jpg, voici les premières pages de l'un d'entre eux. 

 

Nous nous sommes installées dans sa vaste salle de séjour. Tandis que j'ai pris place dans un fauteuil, Eliane, dite Lili, s'est à demi allongée sur le canapé où elle aime se reposer après déjeuner. Mais ce jour-là sa sieste sera écourtée ou repoussée à un peu plus tard.

Elle ne paraît pas ses 81 printemps. Petite et mince, elle a gardé l'œil vif et la démarche alerte. Elle est heureuse de pouvoir raconter ce passé dans lequel elle aime se plonger, surtout celui de sa jeunesse dont elle aime évoquer les meilleurs moments. Je vérifie le bon fonctionnement de mon magnétophone et commence mon interview:

 

- Eliane Bertin, quand et où êtes-vous née?

- Le 15 avril 1924, un mardi, me semble-t-il, répond-elle d'une voix accorte et teintée d'un léger accent du terroir, celui, savoureux, des Charentes, et plus précisément de la Saintonge.

 

- Que savez-vous de votre naissance?

- L'accouchement eut lieu, comme c'était la coutume à cette époque, à la maison de mes parents, dans le village de Breuillet en Charente Inférieure, devenue depuis Charente Maritime.

 

- Quelle place occupiez-vous dans la fratrie?

- La dernière, après deux frères, nettement plus âgés que moi. Henri, l'aîné né le 1er mai 1914, qui avait donc 10 ans lors de ma naissance, et Marcel, le cadet, né le 30 mars 1917, qui me devançait de 7 années. Tous deux durent se pencher sur le berceau où je reposais et on dut leur dire que le docteur (le docteur Théas, en l' occurrence) venait d'apporter une petite sœur.

 

- De quel milieu êtes-vous issue?

- D'un milieu rural. Mes parents étaient agriculteurs, et aussi – mon père et mon grand-père – éleveurs et marchands de bestiaux – Ils étaient assez aisés pour l'époque, grâce, justement à ce commerce de bestiaux.

 

- Avez-vous eu une enfance heureuse?

- Oui,répond-elle sans hésitation. Moi je la ressens comme ça. Il y a eu des moments, bien sûr, où tout n'allait pas tout seul. Comme tous les enfants j'ai dû être grondée, j'ai pleuré et fait des scènes... Mais j'ai gardé un bon souvenir de mon enfance.

 

- Des scènes, c'est-à-dire? Vous étiez une enfant capricieuse?

- Pas spécialement capricieuse, plutôt un peu coléreuse, rouspéteuse et je le suis toujours un peu...

 

- Et qu'est-ce qui a le plus changé quand vous comparez les enfants d'aujourd'hui avec l'enfant que vous étiez?

- Oh lala!... Beaucoup, beaucoup de choses. On participait aux tâches quotidiennes, on cassait du bois. Ça a tellement changé et les mœurs ont suivi le mouvement...

 

- Quel était le rôle de chacun de vos parents?

- Mon père était comme presque tous les hommes à cette époque, et encore souvent maintenant, le chef de famille. Et ma mère, en plus de sa tâche de ménagère, le secondait dans sa tâche de cultivateur. Elle allait dans les champs, elle travaillait aux travaux de la ferme: les volailles, les vaches qu'elle trayait. Elle travaillait de nombreuses heures par jour et paraissait infatigable.

 

- Vous avez l'impression que le femmes travaillaient plus à cette époque qu'aujourd'hui?

- Ça dépend dans quel milieu. Elles travaillaient peut-être moins individuellement, elles avaient moins souvent un métier, mais elles travaillaient: soit en secondant leur mari, soit en ayant une profession. Il y avait des couturières. Il y avait aussi des institutrices, pour les plus douées. Et puis quelques autres métiers aussi, de secrétariat, qui commençaient.

Mon père, cultivateur, aurait voulu être dans la marine mais ses parents l'en ont détourné soi-disant parce qu'un cousin était mort noyé, mais je crois que le vrai motif c'était que mon grand-père qui avait acquis pas mal de terres voulait que ses fils puissent continuer sa tâche.

 

- Est-ce que vos parents aimaient ce qu'ils faisaient?

- Mon père aimait ce qu'il faisait. C'était un homme très jovial qui amusait beaucoup les autres par les histoires qu'il racontait. Il faisait rire bien des gens à l'issue de mariages ou autres.

Ma mère acceptait sa tâche, qu'elle n'aimait pas forcément toujours mais enfin elle acceptait. Elle avait presque le complexe de ne pas toujours en faire assez à côté d'autres personnes qui en faisaient peut-être encore un peu plus qu'elle mais au détriment de... la tenue de la maison par exemple.

 

- Vous faisaient-ils l'impression d'un couple heureux?

- Je n'étais pas dans leur peau pour savoir si au plus profond d'eux-mêmes ils étaient heureux mais ils donnaient l'impression d'être un couple uni. Ils s'entendaient bien. Il n'y avait pas souvent de dispute entre eux, il y avait bien quelques petites engueulades mais toujours assez modérées quand même.

 

- Et l'école?

- Ah! l'école primaire j'en ai gardé un bon souvenir et pour moi ça se passait bien. Je dois dire sans fausse modestie que j'étais une bonne élève. J'aimais l'école et la rentrée des classes, je l'appréciais. J'aimais les livres, les livres neufs surtout. Oui, j'aimais l'école et j'en ai gardé un bon souvenir.

 

- Qu'est-ce que vous y appreniez?

- Toutes les matières courantes. On apprenait d'abord à lire et à écrire, et à compter bien entendu. Et puis venaient les dictées, les problèmes, l'histoire, la géographie, la science, un peu de travail manuel également, la couture principalement. Et puis l'arithmétique, le calcul, la géométrie, toutes les bases de ce qu'on apprenait dans les écoles primaires.

 

- Etes-vous allée à l'école secondaire?

- Un petit peu. J'y étais partie dans l'idée de devenir institutrice. La première année s'est bien passée mais la deuxième année j'ai commencé à avoir une certaine lassitude à cause d'une trop grande abondance des devoirs qu'on devait faire à la maison. Ça, je le supportais mal, j'aurais voulu, une fois l'école finie, avoir des moments libres et j'avais l'impression que je n'en avais jamais, que même le soir, une fois couchée, je révisais encore. Ça m'a causé d'abord ma première dépression nerveuse, j'ai dû arrêter l'école pendant deux mois et finalement...

 

- Mais vous aviez passé votre certificat d'étude?

- Ah! bien sûr! Un certificat d'études dont je peux dire une petite anecdote. Nous étions cinq élèves à préparer le certificat d'études, et au moment de l'examen une épidémie d'oreillons s'est déclenchée. Je n'avais qu'une frousse c'était que ça m'atteigne moi aussi. Et malheureusement j'ai été la dernière à être touchée, moi aussi, donc je n'étais pas en état d'aller passer mon certificat d'études à Royan. Heureusement, consolation, il y avait un peu plus tard une cession à Saintes. Alors mon institutrice, accompagnée de mes parents, m'a emmenée à Saintes, et j'ai eu mon certificat d'études. Mais sans mention, que j'aurais peut-être pu avoir à Royan, où il avait été, paraît-il, plus facile cette année-là.

 

- Est-ce que vous aviez des amis?

- Aaaaaaaaaaaaaah!... j'avais beaucoup de copines, oui! Des « amies », amies vraiment là?.. mais... j'étais sociable! J'avais des voisines aussi, filles de notre instutrice qui ont été des copines aussi. Puis j'avais des amies de vacances, des amies d'école. Faute d'avoir des soeurs avec qui je me serais amusée, j'avais beaucoup de copines.

 

- Et est-ce que vous aviez des amoureux?

- Ah! les amoureux!... Oh! Des petites amourettes d'école, ça j'en parle pas: « Veux-tu devenir ma bonne amie? »et « J'me marierai avec toi! » bon! Mais enfin... ça!...

A quatorze ans j'ai commencé à être amoureuse d'un garçon qu'avait à peu près mon âge. Il faisait même moins que son âge. J'étais pas très en avance, mais à partir de seize ans j'ai connu des garçons avec qui j'ai flirté. Le flirt, à ce moment-là, c'était s'embrasser et puis s'enlacer. (...)

Tag(s) : #art
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